Jardins ouvriers d’Aubervilliers:
Quatre ans de Luttes pour les Jardins ouvriers d’Aubervilliers
Depuis près de cent ans, les Jardins ouvriers des Vertus d’Aubervilliers prolongent l’histoire maraîchère centenaire de la Seine-Saint-Denis et de la plaine des Vertus. Mais à partir des années 1950, ils sont amputés tous les vingt ans environ par des projets d’urbanisme.
Depuis 2020, Le collectif de défense des Jardins des vertus se bat pour la préservation des jardins ouvriers des Vertus du Fort d’Aubervilliers, face aux bétonneurs, à la gentrification, et aux appétits financiers. De 2020 à 2023, contre la construction d’un solarium attenant à une piscine olympique d’entraînement ; de 2022 à 2024, contre l’implantation d’une gare du Grand Paris Express démesurée. En 2024, contre l’impact éventuel du futur pôle inter-modal, voulu par Plaine Commune autour de la gare qui menace à nouveau des terres. Et dans le futur qui sait…
Les sociétés d’investissement immobilières, souhaitées par Karine Franclet et son équipe actuelle densifient le tissu urbain d’Aubervilliers. La ville devient même un « espace d’expérimentation urbaine », en étant commune lauréate d’un programme « quartier métropolitain d’innovation » de la Métropole du Grand Paris. En face, de nombreux collectifs d’habitant.e.s, locaux ou nationaux, se créent pour protester. Contre la destruction des Jardins. Contre la rénovation a marche forcée des quartiers populaires. Contre l’urbanisation à outrance.
Patrimoine maraîcher précieux, ces jardins profitent non seulement à des centaines de personnes pour une production vivrière locale de subsistance mais ils sont aussi essentiels pour la biodiversité, pour la lutte contre le réchauffement climatique, et pour proposer des espaces d’échanges, de convivialité et d’apprentissage en dehors de la sphère marchande et productiviste. Dans les jardins, on cultive bien plus que des légumes!
Urbanisation : des choix politiques contre les classes populaires
La lutte des Jardins s’inscrit dans un contexte d’intense frénésie immobilière. Aubervilliers est la ville de la petite couronne de Paris qui est la moins chère, et aussi celle qui compte encore beaucoup de friches, ou d’anciennes usines, commerces, et autres attendant leur reconversion. S’ajoutent à ça l’arrivée de la ligne 12 du métro récemment, et celle de la ligne 15 prévue pour 2031. C’est donc le paradis, mais pas pour les habitant.es. Pour les promoteurs, ce sont des marchés à conquérir, et pour les spéculateurs, des appartements à acheter qui prendront – peut-être – de la valeur rapidement. La nouvelle Maire de droite, Karine Franclet, assume clairement une politique en faveur des classes moyennes, pourtant peu nombreuses, en favorisant les permis de construire des promoteurs et en réduisant la part de nouveaux logements sociaux qui sont construits. On sait que les conséquences seront l’augmentation des loyers et que les classes populaires seront forcées d’aller voir ailleurs.
Globalement, la population augmente bien plus vite qu’ailleurs, et comme les immeubles poussent plus vite que les parcs, Aubervilliers est aussi la ville la plus pauvre en espaces verts de la banlieue Parisienne, à 1,3 m² /hab, loin des 10 m2/hab. recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Autour des Jardins des Vertus, deux projets d’envergure illustrent parfaitement cette situation. Le Quartier Maladrerie /Emile Dubois est dans le viseur de L’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU). En tout, 1600 logements sociaux en mauvais état, qui ont effectivement besoin de rénovation. Mais le projet ici sera d’en détruire une grande partie pour en reconstruire des neufs, plus nombreux et plus chers. Résultat : environ 1000 habitant.e.s vont devoir quitter le quartier qui sera à terme plus dense, avec moins d’espaces verts. Et le bilan carbone de l’opération n’est pas bon, car détruire des immeubles en béton pour en reconstruire est climaticide, le secteur du bâtiment étant le quatrième en termes d’émission de CO2. De l’autre coté de la nationale, l’ancien fort d’Aubervilliers subit plus ou moins le même sort. Sous l’appellation » éco-quartier « , ce sont 1800 logements en béton de 7-9 étages, collés les uns sur les autres qui sont en train d’être construits. La vente de ce terrain public aux promoteurs est le péché originel de l’urbanisation du quartier. Il a malheureusement été validé par toutes les équipes politiques passées à la mairie (communiste et socialiste, puis droite). En effet, il aurait été possible de construire la piscine (avec un espace extérieur), et même un grand parc sur ce terrain atypique d’une trentaine d’hectares, entouré de remparts et de douves. En choisissant l’option la plus dense, les politiques et les urbanistes se sont retrouvés coincés pour loger à la fois la piscine et la gare de la ligne 15 sur un carrefour. Et ce sont les Jardins qui devraient en payer le prix ?
Les débuts de la lutte
A partir de l’été 2020, des jardinières, jardiniers, et habitant·e·s commencent à se réunir après avoir appris qu’une partie des jardins était menacée par la construction d’un solarium sur 4000 mètres carrés des jardins. Il s’agit d’un bassin olympique d’entraînement, puisqu’aucune compétition n’y aura lieu. Le collectif maintient que la piscine peut se constuire sans toucher aux jardins, et que dans l’idéal, un bassin plus modeste aurait été suffisant pour les habitant.e.s. La construction est rendue possible par le nouveau Plan Local d’Urbanisme (PLUi) qui rend constructible certaines parcelles des Jardins des Vertus, PLUi attaqué par des jardinier·e·s. Le collectif de défense des jardins se constitue à l’automne et va commencer à mener la lutte sur plusieurs plans- juridique, politique, médiatique… Il faut visibiliser la lutte et la sortir des jardins. Cela se fait à la fois par une interpellation du public grâce aux médias, avec notamment une première tribune publiée sur Libération, une ouverture des jardins au public, grâce à des visites régulières qui rencontrent vite un grand succès, le lancement d’une pétition, d’une cagnotte et d’un site en ligne, la production de documents démontrant l’absurdité et la démesure du projet, la distribution de tracts et de graines de la lutte, l’interpellation des politiques, et la visibilisation de la lutte dans l’espace public par des affichages… Aidé par un architecte engagé, le collectif propose à la mairie un projet alternatif pour la piscine, mais en face le collectif se heurte à un mur. Les décideurs tiennent à leur solarium anachronique et refusent de revoir leur projet.